Le Blog de Didier Leclerc
photographe
Durant les abrivado arènes de Vauvert.
Le Camargue avait dû faire un écart ou une résistance quelconque à la maîtresse des lieux. Le recadrage ne s'est pas fait attendre. Pas de cri, pas de gesticulation , un rappel de tension sur le licol, un regard, une posture qui suffisent à ramener les choses au rapport qui convient, c'est à dire, chacun à sa place sans confusion des genres.
Pendant tout mon reportage avec les manadières, j'ai compris en creux, le désastre ambiant de se mettre en fusion avec l'animal ne sachant plus très bien qui est qui !
Je me suis mis à repenser aux paroles du grand éducateur Fernand Deligny, qui avertissait les adultes, déjà dans les années 1970, que vouloir se pencher trop bas au niveau de l'enfant, c'était la meilleure posture pour recevoir quelques années après, un retour de bâton sur le postérieur !
Pour Mylène Gracia, manadière.
Mi-septembre, les risques d'orages violents et les crues, se sont dissipés dans les plaines du Cailar. Les animaux ont été mis en sécurité sur des terres élevées. Mais , l'alerte passée, les manadières vont chercher leurs juments et poulains, pour regagner les prés habituels. La transhumance se fait à pieds.
Les poulains découvrent de nouveaux éléments de leur environnement, tout au long des chemins : ânes, juments, voitures garées, fleurs et herbes des bordures, bruits assourdissants des avions à réaction qui manoeuvrent au-dessus de nos têtes, jusqu'aux premiers déclics de mon appareil photographique dont les bruits secs les font sursauter !
Les manadières sont fières de leur cheptel, après tous les soins apportés tout au long des années. De voir les jeunes poulains gambader, les rend radieuses !
Le soleil de septembre est encore fort ; l'ombre du figuier vient les rafraîchir et sous les feuilles bien vertes, se cachent les fruits offerts par la nature, qu'elles dégustent avec délectation. La beauté de l'instant est là, entre les fruits sauvages, les poulains et les manadières !
pour Mylène & Muriel GRACIA, manadières.
Nous nous trouvons au nord-est de l'Etang de l'Or, cher à Gaston Baissette. Ici, c'est la bordure de la Camargue -pris au sens large- pays des manades et d'un paysage brûlé par le soleil. Ce sont les tamaris qui créent les différences d'altitude ! La mer n'est pas loin mais les débordements du Vidourle, par contre, sont surveillés avec crainte. L'été est venu depuis quelques jours ; les taureaux ont l'habitude de venir tout près du mas, si bien que nous attendons, pour aller prendre la voiture. Devant la porte du mas, un magnifique tamaris nous signale, par sa forme, qu'il a lutté durement contre le Mistral. Peut-être, l'homme a-t-il agravé sa déformation et sans le vouloir, l'aurait érigé en une harmonieuse sculpture ! Un taureau vient s'y mettre à l'ombre prolongeant notre attente ! A quelques kilomètres de là, l'autoroute déverse les files de voitures annonçant l'arrivée des touristes draînés de toute l'Europe.
Marcelle et Armand Espelly entretiennent l'âme du mas de Praviel où vécut la grande dame de la Camargue Fanfonne Guillierme. Je l'avais photographiée dans ces lieux au début des années 80; revenir ici, à de quoi faire chavirer ! Elle est présente sur tous les murs. Les vies de Marcelle et d'Armand se confondent avec celle de "la patronne" comme dit Armand qui fut son bayle gardian de grande réputation. Son corps est marqué par les accidents de son travail :"les sanctions de mes erreurs" dit-il ! Il ne cède rien de sa propre responsabilité. C'était un gardian de renom ! Il semble que tout était grand ici ! Les humains, les lieux et les bêtes de la manade ! Les taureaux de Guillierme ont animé les moments phare du monde de la course libre et la tradition exigeante de la manade continue aujourd'hui. Les pâturages de la plaine du Vistre, nourrissent depuis plusieurs générations, les plus belles manades.
Oui ! Ici, tout est grand, tout est renommé, les gens, les lieux, les bêtes, les espaces, jusqu'à l'herbe qui pousse sur les grandes étendues des prés du Cailar !
La manadière trie les jeunes veaux. Il fait déjà chaud en Petite Camargue et les pierres de la Tour de Constance se dilatent. La poussière s'élève des pieds des bêtes quand la manade se déplace de pré en clos de tri.
Le cheval exerce le travail demandé, aux seules pressions induites par la cavalière.Le cheval cherche l'anouble à séparer du reste de la manade. Pendant ce temps, elle pose son regard au loin, sur le veau à traiter. Les deux regards vont se rejoindre en un point dynamique. L'harmonie de la cavalière et celle du cheval seront à l'extrême connivence. Il existe des chevaux , qui lisent et comprennent le travail à faire ! Faut-il encore savoir amener le cheval à s'exprimer ! Tout l'art de la manadière !
pour Sylvie Rousseau.
La manadière Irène Roussel nous mène au coeur de sa manade de chevaux Camargue. Le paysage est sauvage, vaste étendue de sansouïre, de tamaris qui brisent le Mistral et protègent les chevaux du froid ; le ciel est bas, couvert, il pleut, il fait froid.
Les chevaux sont nerveux. Nous venons sur leur territoire et ils nous le font savoir ! Un étalon essaiera même d'intimider le cheval de la manadière ! Nous sommes au sein des paysages de la Camargue et le ciel maussade peuple à la verticale, la dramarturgie du moment : la plaine sauvage se défend des intrus ! Que nous soyons complices de leur nature et des paysages ne suffisent pas à leur patience !